Le réchauffement du climat est responsable de plus de morts dus à la fumée des feux

Une nouvelle étude internationale coécrite par une chercheuse canadienne conclut que le changement climatique contribue à des milliers de décès liés à la fumée des feux de forêt de plus qu’aux décennies précédentes.

Les résultats de l’étude soulignent l’urgence de réduire les émissions qui réchauffent la planète, selon Sian Kou-Giesbrecht, professeure adjointe à l’Université Dalhousie, qui a contribué à l’étude.

L’étude internationale publiée lundi est l’une des plus rigoureuses à ce jour pour déterminer dans quelle mesure les changements climatiques peuvent être liés aux décès dus à la fumée des feux de forêt dans le monde, explique la chercheuse.

Elle se dit frappée par le fait que «cette proportion augmente énormément».

L’étude estime, en utilisant une modélisation mathématique, qu’environ 12 566 décès annuels liés à la fumée des feux de forêt dans les années 2010 étaient liés au changement climatique, contre environ 669 dans les années 1960, lorsque le dioxyde de carbone était beaucoup moins concentré dans l’atmosphère.

Traduit en proportion de la mortalité globale due à la fumée des feux de forêt, l’étude estime qu’environ 13 % des décès excédentaires estimés dans les années 2010 étaient liés au changement climatique, contre environ 1,2 % dans les années 1960.

«Il est nécessaire de s’adapter aux impacts critiques des incendies sur la santé», peut-on lire dans l’étude, publiée dans la revue «Nature Climate Change».

Si les feux de forêt font naturellement partie de l’écosystème de la forêt boréale, un nombre croissant d’études ont documenté la manière dont le changement climatique, provoqué par la combustion de combustibles fossiles, les rend plus importants et plus intenses, contribuant ainsi davantage à la pollution de l’air.

Le même groupe de recherche est à l’origine d’une autre étude publiée lundi dans la même revue, qui suggère que le changement climatique a augmenté la superficie mondiale brûlée par les feux de forêt d’environ 16 % entre 2003 et 2019.

Ces incendies alimentés par le climat produisent ensuite davantage de pollution aux particules fines, appelées PM2,5, qui sont suffisamment petites pour pénétrer profondément dans les poumons et qui, à long terme, peuvent avoir de graves effets sur la santé.

L’étude qui a estimé l’ampleur de ces effets est basée sur la modélisation, et non sur des données historiques sur les décès déclarés dus à la pollution atmosphérique.

Les chercheurs ont utilisé des mesures de santé publique établies pour déterminer quand la pollution est censée contribuer à la mortalité, puis ont déterminé dans quelle mesure la fumée des feux de forêt pouvait avoir joué un rôle dans cette exposition globale pour arriver à ces estimations.

Par ailleurs, Santé Canada estime qu’entre 2013 et 2018, jusqu’à 240 Canadiens sont morts chaque année en raison d’une exposition à court terme à la pollution atmosphérique causée par les feux de forêt.

Influence sur les 100 dernières années et les 100 prochaines

Mme Kou-Giesbrecht a indiqué que l’étude de lundi n’a pas trouvé que le changement climatique avait une influence majeure sur le nombre de décès liés à la fumée des feux de forêt boréaux du Canada.

Elle a suggéré que cela est probablement dû à la taille relativement petite de la population du pays et à la difficulté de modéliser les incendies de forêt dans la région, compte tenu de son mélange unique d’arbustes et de tourbe.

Mais elle a également noté qu’une série de saisons d’incendies de forêt dévastatrices au Canada au cours des dernières années n’a pas été prise en compte dans l’étude, et elle s’attend à ce que les recherches futures puissent trouver une augmentation plus importante des décès et des problèmes de santé publique liés au changement climatique.

Les régions les plus touchées par l’étude étaient l’Amérique du Sud, l’Australie et l’Europe.

La scientifique a déclaré que plus les études révéleront le lien entre le changement climatique et des catastrophes aussi «tangibles» que les feux de forêt, plus les arguments en faveur d’une «action climatique drastique» seront renforcés.

«Je pense que les preuves de plus en plus nombreuses que nous avons pour soutenir le rôle du changement climatique dans l’évolution des 100 dernières années, et le fait de savoir qu’il continuera à influencer les 100 prochaines années, sont vraiment importantes», a-t-elle expliqué. «Et, personnellement, je trouve cela intéressant, bien qu’effrayant.»

L’étude a utilisé trois modèles très complexes pour estimer la relation entre le changement climatique, l’utilisation des terres et les incendies.

Les modèles, qui contiennent chacun des milliers et des milliers d’équations, comparent à quoi ressemblent les incendies de forêt dans le climat actuel à ce à quoi ils auraient pu ressembler à l’époque préindustrielle, avant que les humains ne commencent à brûler de grandes quantités de combustibles fossiles.

Les chercheurs ont utilisé les modèles pour calculer les émissions de gaz et d’aérosols des incendies de forêt entre 1960 et 2019, puis faire des estimations sur les décès annuels liés à la fumée.

Le type de méthodologie utilisé par les études de lundi, connu sous le nom de science d’attribution, est considéré comme l’un des domaines de la science du climat qui connaît la croissance la plus rapide. Il est renforcé en partie par des progrès majeurs en matière de puissance de calcul.