Demandeurs d’asile: Legault avait été prévenu que l’idée viole la Charte, dit Ottawa
VILLERS-COTTERÊTS — François Legault avait été informé dès le printemps que l’idée de déplacer de force 80 000 demandeurs d’asile ne respectait pas les obligations constitutionnelles, signale Ottawa. Le cabinet du premier ministre du Québec rétorque n’avoir aucun souvenir d’une telle conversation.
«On ne peut pas forcer, nous autres, légalement une personne à se déplacer dans une autre province. (…) La personne doit y aller de son propre gré. Ça a toujours été mis très clair avec Québec», a déclaré, vendredi, une source au gouvernement fédéral qui s’exprimait sous condition d’anonymat.
Et Ottawa dit avoir communiqué cela à Québec au début de l’été, avant la rencontre de juin entre M. Legault et le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, qui visait à traiter des enjeux d’immigration, a soutenu la source.
M. Legault, qui en est au quatrième jour de sa visite en France, soutient depuis mercredi que la moitié des demandeurs d’asile déjà établis au Québec doivent être déplacés de force vers d’autres provinces, mais il refuse de dire comment il s’y prendrait.
À un certain point dans les discussions, le gouvernement Legault se serait demandé: «on ne peut tu juste pas juste les forcer, pourquoi on doit les accepter», a raconté la source.
«On ne pensait pas qu’il se rendrait jusque-là à dire ça, parce qu’on pensait avoir fait le travail qu’il fallait pour leur faire comprendre que finalement ce n’est pas possible», explique-t-on à Ottawa.
Appelé à réagir, l’attaché de presse de M. Legault, Ewan Sauves, a affirmé que «personne n’a de souvenir d’une telle conversation dans l’équipe du premier ministre».
«Le gouvernement de M. Trudeau préfère faire diversion du véritable problème: il n’a aucune solution pour diminuer le nombre de demandeurs d’asile au Québec», a-t-il ajouté.
Déjà, dans un document datant de juillet, Ottawa indiquait noir sur blanc que «la réinstallation des demandeurs d’asile» doit se faire sur une «base volontaire», car «il n’existe pas de pouvoir législatif pour forcer le(ur) transfert (…) vers une autre province».
«Hors de question»
Pour être claire, la source gouvernementale soutient qu’il est «hors de question» de forcer le déplacement obligatoire de demandeurs d’asile en invoquant la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés.
Quant aux «zones d’attente» pour les demandeurs d’asile comme il se fait en France évoquées par M. Legault, mardi, la source a déclaré que l’idée «de créer un certain format de centre ou de campement» n’est «jamais remontée dans aucune rencontre de discussions politiques avec lui».
De manière générale, Ottawa souhaite que le gouvernement Legault mette ses énergies à régler des problèmes en matière d’immigration dans les champs qu’il contrôle, par exemple au chapitre des visas d’étudiants qui sont délivrés.
Selon des données fournies par le gouvernement fédéral, quatre institutions québécoises se trouvent dans le top 10 de celles au Canada où, entre janvier et août, il y a le plus de personnes qui sont rentrées avec des visas étudiants et qui ont ensuite demandé l’asile.
Il s’agit de l’Université du Québec à Chicoutimi (305), du Collège Ellis, campus de Trois-Rivières (255), de l’Université Laval (225) et de l’Université du Québec à Trois-Rivières (215).
Selon un tableau préparé par le gouvernement fédéral, il y aurait d’ailleurs 96 021 demandeurs d’asile présents au Québec en ce moment, et non environ 160 000 comme l’affirme le gouvernement Legault.
À ce sujet, l’équipe du premier ministre du Québec a indiqué que son chiffre correspond au nombre de demandes d’asile traitées au Québec au cours des trois dernières années, selon les données de Statistique Canada.
Ottawa souhaite également que M. Legault travaille à «sensibiliser» les premiers ministres des autres provinces à accueillir davantage de demandeurs d’asile. «Nous, on fait notre part (…), mais on a besoin d’avoir une approche collaboratrice», a lancé la source.
Elle estime même que le gouvernement Legault freine les efforts en matière d’immigration par ses déclarations parce qu’autrement on pourrait observer «une nette amélioration» au chapitre des demandeurs d’asile.
Or, l’entourage de M. Legault reproche à Ottawa d’avoir une approche qui mise uniquement «sur la volonté des provinces et des demandeurs d’asile», ce qui n’a en fait donné «aucun résultat».
Le premier ministre du Québec est en France pour prendre part au Sommet de la Francophonie, mais il a commencé sa visite par une mission économique de trois jours qui l’a conduit à rencontrer de nombreux chefs d’entreprises et politiciens, dont le premier ministre français Michel Barnier et son prédécesseur Gabriel Attal. Son séjour a cependant été largement teinté par ses déclarations sur le thème de l’immigration.