Distillerie de la Chaufferie: les valves sont ouvertes
ALCOOL. Dans la chaufferie de l’ancienne usine Imperial Tobacco, un distillateur est à l’œuvre. Entre les alambics et les cuves de fermentation, Vincent Van Horn s’applique à produire les deux premiers alcools conçus par la Distillerie de la Chaufferie de Granby; ils devraient d’ailleurs être officiellement vendus au courant des prochains jours.
Une visite, à elle seule, vaut le détour: la bâtisse centenaire, abandonnée depuis quelques années, était littéralement faite sur mesure pour sa nouvelle vocation. Ayant subi une véritable cure de jouvence visant à les remettre aux normes et au goût du jour, les lieux sont désormais fins prêts à accueillir le public.
Les importantes rénovations effectuées sur place sont le résultat de l’investissement majeur d’un regroupement de onze actionnaires aux expertises variées et complémentaires. Le tout semble d’ailleurs fonctionner à merveille au sein de cette vaste équipe.
«Ce sont tous des gens qui ont des qualités et des talents différents. Il y a, entre autres, du monde en droit, en affaires, en comptabilité, des spécialistes en alcool et un distillateur. Individuellement, ce projet-là ne pourrait pas être ce qu’il est en ce moment», explique l’un d’eux, Mathieu Couture. «On aime mieux avoir 10 % d’une grande réussite que 100 % d’un échec», ajoute celui qui œuvre comme notaire.
Les investisseurs se sont progressivement rassemblés autour de l’initiative; l’idée première, elle, provient de l’avocat Bryan Furlong. «Il voulait faire ça derrière chez lui et sa femme a mis un stop à ça. Dans sa tête, ça mijotait depuis longtemps», explique en riant Éric-Gabriel Beauchamp, également du groupe. C’est finalement la rencontre entre Vincent Van Horn et Bryan Furlong qui a donné le coup de départ.
Quelques plus tard, la Distillerie de la Chaufferie, qui a profité d’un changement de zonage pour pouvoir s’établir dans la propriété de Gérald Scott, est l’une des rares industries de ce type à voir le jour en milieu urbain. Elle est également parmi les rares en province à proposer un bar. En plus, évidemment, de ceux élaborés sur place, d’autres produits s’ajouteront à la carte.
L’établissement licencié, au look à la fois chic et industriel, s’étend sur le premier étage. Des mezzanines, au deuxième, permettront quant à elles la tenue de réunions amicales et d’affaires. L’endroit, où pourront se rassembler simultanément quelque 100 clients, ouvrira dès que les propriétaires auront en main les permis nécessaires, fort probablement au début de 2019. Le tout sera fait en grande pompe. «Quand on va partir, on va faire les choses en grand», promet M. Furlong. Le bouche-à-oreille ayant déjà fait son œuvre, quelques réunions privées ont déjà été organisées dans cette salle au cachet unique.
Dans l’antre du créateur
Descendez quelques marches et vous tomberez certainement sur Vincent Van Horn. Pour l’instant le seul employé à temps plein, il est distillateur en chef en plus d’être associé dans cette grande aventure. Diplômé de l’Université McGill en sciences de l’alimentation et ayant notamment fabriqué du rhum aux Îles Caïmans, le jeune homme originaire de Bedford réalise littéralement un rêve dans le sous-sol de l’immeuble. «C’est la première fois que j’ai le contrôle complet sur le processus. Je suis incroyablement fier du fait que nos bouteilles se retrouveront dans les maisons des gens», se réjouit le grand manitou de la fabrication.
Au fil d’innombrables essais et erreurs et de dégustations, celui-ci en est venu à concevoir, à l’aide d’une moulange, de deux fermenteurs et les trois alambics (respectivement baptisés Miki, Melody et Veronika) deux produits, un gin et une vodka, qui se démarqueront par le fait qu’ils sont 100 % locaux.
Le slogan inscrit sur les bouteilles, Du grain au verre, se concrétise littéralement, ce qui constitue un défi supplémentaire pour l’entreprise granbyenne. «On est dans les rares microdistilleries qui partent de zéro. La plupart vont, par exemple, faire venir un alcool de base et vont y mettre leurs saveurs. Nous, on part du seigle», explique M. Couture.
Pour le distillateur en chef, ce grain contribue à introduire un arrière-goût intéressant, à la fois épicé et citronné; le procédé choisi permet également de faire la démonstration d’une plus grande créativité, la distillation étant un heureux mélange d’art et de science. «On vise la perfection», lance M. Van Horn en riant.
L’économie circulaire fait également partie prenante de l’initiative: à l’issue du processus de production, les drêches de distillerie sont retournées à des entreprises agricoles de la région afin de nourrir les bêtes. «Il y a très peu de gaspillage», précise le distillateur.
De grandes ambitions
La production du London Dry Gin Furlong et de la vodka Lemay (nommés en l’honneur de deux des investisseurs) est débutée; environ 400 à 500 bouteilles ont déjà, au total, été produites. Elles seront éventuellement disponibles sur les tablettes de la Société des alcools du Québec (SAQ). Les entrepreneurs derrière la Distillerie de la Chaufferie n’entendent toutefois pas se limiter à ces deux alcools. «On va se lancer dans le whisky un peu plus tard et on pense à travailler les pommes, éventuellement, pour mettre en valeur les produits de la région», résume M. Van Horn, lui-même un grand amateur de whisky.
En plus de visites guidées, une terrasse pouvant accueillir jusqu’à 200 clients est dans les cartons. Si tout va bien, elle devrait d’ailleurs être finalisée en prévision de l’été prochain. «On aimerait ça, aussi, avoir une serre pour faire pousser nos herbes et nos produits», poursuit M. Couture.
La capacité de production de l’entreprise se situe actuellement à environ 100 000 bouteilles annuellement; une expansion ou un deuxième lieu de production à Granby font partie des nombreuses idées qui fourmillent au sein du groupe d’investisseurs. «Si on pouvait, un jour, produire 500 000 à 600 000 bouteilles… Pourquoi pas? Ça fait partie de nos rêves», admet le notaire. Pour l’instant, Vincent Van Horn espère voir ses produits, qui portent un peu de l’histoire de Granby, se tailler une place parmi ceux des distillateurs renommés du Québec.
En vertu d’une récente modification à la législation québécoise, les produits de la distillerie pourront, dès que les instigateurs auront le feu vert en ce sens, être vendus sur place (168, rue Saint-Jacques). Les personnes intéressées à en savoir plus peuvent consulter la page Facebook Distillerie de la Chaufferie.