Décès de la fillette de 7 ans: «On comprend le désarroi de la population»
JUSTICE. Le CIUSSS de l’Estrie-CHUS est au fait qu’il y a eu une faille dans son système concernant le dossier de la fillette de 7 ans, qui est décédée sur la rue Lindor, à Granby, mardi. Il compte d’ailleurs prendre les moyens nécessaires pour faire la lumière sur l’ensemble des événements qui touchent l’établissement et sa direction de la jeunesse par l’entremise d’une enquête interne.
«Cet événement-là a ébranlé l’ensemble de la population du Québec, a commenté jeudi matin, lors d’un point de presse, Stéphane Tremblay, président-directeur général adjoint du CIUSSS de l’Estrie-CHUS. On comprend le désarroi de la population; on le voit, on le sent. On comprend également la colère et l’incompréhension face à cette enfant, que maints services auraient dû protéger dans son développement et dans sa sécurité. On sait que malheureusement, ce ne fût pas le cas et la finalité s’est soldée par un décès.»
À l’été 2016, le CIUSSS de l’Estrie-CHUS avait demandé à la Santé publique d’effectuer une analyse concernant la hausse de signalement au niveau de la protection de la jeunesse pour comprendre ce qui se passait sur le territoire estrien. Malgré cette démarche, «nous n’avons pas été en mesure d’identifier les facteurs significatifs qui nous permettaient d’expliquer la hausse de signalements, qui se passe dans un contexte socioéconomique favorable», a fait remarquer M. Tremblay.
«Il y a probablement des éléments qui nous échappent encore. C’est un rappel brutal qu’on a tous eu comme citoyen du Québec pour dire que des affaires épouvantables ou importantes peuvent encore exister. Ça ne veut pas dire que ce qu’on a fait n’est pas bien et n’a pas donné de résultat. Ça veut dire qu’il nous en reste un bout à faire.»
Depuis l’annonce du tragique décès de la fillette, une enquête policière indépendante du réseau de la santé et des services sociaux a été mise en marche, tout comme une enquête du coroner. De son côté, le CIUSSS de l’Estrie-CHUS s’engage aussi dans le processus en déployant une enquête interne, réalisée par la direction de la qualité, de l’éthique, de la performance et du partenariat.
«Ces événements-là sont chaque fois analysés avec des recommandations et un plan d’action qui s’ensuit, a précisé Stéphane Tremblay. L’enquête est déjà en cours et elle est dans ses prémisses. Les premiers éléments d’analyses auront lieu au cours de la semaine prochaine. Nous avons pris l’engagement auprès de nos collègues du ministère de la Santé et des Services sociaux et du cabinet du ministre Carmant que l’enquête interne allait être terminée d’ici la fin juin. Les recommandations seront bien sûr soumises à notre conseil d’administration et au ministère de la Santé et des Services sociaux. On s’engage à reconnaître les recommandations et à engager un plan d’action pour les mettre de l’avant.»
Le ministre Lionel Carmant a partagé son désir à ce que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse intervienne dans le dossier. «Cette dernière nous a déjà signifié qu’elle souhaitait porter un regard sur les événements tragiques qui ont touché la jeune fille et certains services offerts par le CIUSSS de l’Estrie-CHUS ainsi que par sa direction de la protection de la jeunesse», confirme M. Tremblay
«Nous allons collaborer et nous serons transparents dans les différentes étapes de l’enquête.»
«Une colère populationnelle»
Le ministre de la Santé et des Services sociaux a annoncé jeudi matin qu’une enquête publique en lien avec la protection de la jeunesse et les filets de sécurité autour des jeunes aura lieu pour s’assurer que leur développement ne soit pas compromis et que leur sécurité ne soit pas en danger.
«La population s’exprime fortement actuellement avec une dose de colère, qui est compréhensible face au décès d’une jeune fille de 7 ans, qui, si les enquêtes le confirment, serait décédée de maltraitance, a souligné M. Tremblay. Toutefois, je tiens à demander l’aide de la population pour soutenir notre personnel. Au-delà de la situation tragique que nous vivons et sur laquelle nous devons faire la lumière, aujourd’hui, il y a des signalements qui arrivent à la protection de la jeunesse et dans toutes les protections de la jeunesse du Québec. Nous avons des professionnels qui évaluent les signalements retenus pour savoir quelles orientations nous devons leur donner. Ces gens-là qui rentrent quotidiennement au travail sont le filet de sécurité actuel que l’État québécois s’est donné pour protéger ses jeunes en lien avec leur développement et leur sécurité.»
«Actuellement, nous faisons face à la colère populationnelle, qui, je le répète, est compréhensible, mais nos employés font face à plusieurs messages disgracieux, irrespectueux et parfois haineux sur les réseaux sociaux et sur nos lignes téléphoniques. Je demande à la population de nous aider à ce que nos employés à se concentrent à mettre leur expertise au profit de la sécurité des jeunes et nous nous engageons, avec la population, à nous assurer du meilleur de l’expertise de tous pour le bien des jeunes de l’Estrie.»
Le directeur de DPJ Estrie se retire
Le directeur de la protection de la jeunesse, Alain Trudel, a signalé jeudi matin son intention de se retirer «momentanément de ses fonctions» en attente des différentes enquêtes et des résultats.
Au cours de l’après-midi jeudi, le CIUSSS de l’Estrie-CHUS a tenu un conseil d’administration spécial pour étudier la demande de retrait et pour identifier une personne qui pourra remplacer M. Trudel. C’est Alain St-Pierre qui occupera le poste de directeur intérimaire de la Direction de la protection de la jeunesse du CIUSSS de l’Estrie-CHUS. Son mandat intérimaire débutera le 6 mai prochain.
Prochaine comparution
La prochaine comparution de l’homme de 30 ans et de la femme de 35 ans, tous deux accusés dans le dossier de la fillette de 7 ans, se déroulera le 23 mai prochain au palais de justice de Granby.
Rappelons que des chefs d’accusation de séquestration et de voies de fait ont été portés contre la femme de 35 ans alors que de son côté, l’homme de 30 ans a été accusé de voies de fait. Au moment d’écrire ces lignes, aucune autre accusation n’a été portée.
«Maintenant, il y a encore du travail à faire, a expliqué Jean-Pascal Boucher, porte-parole de la Direction des poursuites criminelles et pénales, jeudi à sa sortie d’audience. Il y a encore des éléments de preuves qui vont nous être transmis dans les prochains jours. Par exemple, le rapport d’autopsie. On doit prendre le temps de bien analyser l’ensemble d’un dossier complet avant de prendre une décision finale sur la suite des choses.»