Le Triangle des Bermudes de l’autoroute 10
SÉCURITÉ. Si les habitués du secteur le savent par expérience, bon nombre d’automobilistes apprennent à leurs dépens que le tronçon de l’autroroute 10, entre Magog et Eastman, est une véritable boîte à surprises en terme de conditions métérologiques et routières. Tel un Triangle des Bermudes, on assiste chaque année à des événements inattendus, à la grande différence que le phénomène est loin d’être inexplicable ou encore mystérieux.
Tout comme les intervenants d’urgence, le ministère des Transports du Québec (MTQ) est bien au fait que ce tronçon de l’autoroute nécessite une attention particulière. Il a d’ailleurs mené une étude pour améliorer spécifiquement la signalisation des courbes entre les km 107 et 110.
À la lumière des résultats, deux panneaux à message variable ont été installés en novembre 2021 dans les deux directions (l’un au km 106 et l’autre au km 110) afin d’aviser au besoin les usagers de la route par des messages électroniques. De plus, des délinéateurs ont été ajoutés en bordure de la route pour mieux orienter les automobilistes, surtout la nuit. On en trouve à cet endroit spécifique à tous les 25 mètres, alors que la norme est plutôt aux 50 mètres.
» En raison de la géographie et de la topographie, il existe dans ce tronçon un microclimat qui a une incidence sur la chaussée en saison hivernale, explique la conseillère en communications pour le MTQ, Isabelle Dorais. Les murs de roc longeant l’autoroute bloquent le soleil de la chaussée et ce peu d’ensoleillement rend plus difficile la performance des fondants. De plus, la présence de nombreuses collines peut provoquer des turbulences imprévisibles, telles que de forts vents et des précipitations plus abondantes. «
Ce qui explique, notamment, que bon nombre d’accidents sur cette route principale se produisent dans ce secteur spécifique. Le plus récent est celui de l’ambulance, qui a percuté de plein fouet un rocher lors d’un transport d’urgence vers Sherbrooke. Une infirmière, qui accompagnait une femme enceinte, a été grièvement blessée par l’impact.
Toutefois, pour le MTQ, cet accident ne représente pas une tendance, mais bien une exception, si on se fie aux statistiques des dernières années. » Entre 2017 et 2022, on dénombre à cet endroit 17 accidents, dont cinq avec des blessés légers. Il ne s’agit donc pas d’un endroit qualifié d’accidentogène. Il n’en demeure pas moins que ce tronçon fait partie de nos préoccupations et si des requêtes nous sont soumises, nous nous ferons un devoir des les étudier et d’apporter d’autres correctifs, si nécessaire « , précise Mme Dorais.
Aux automobilistes de lever le pied
S’il se réjouit de la signalisation apportée au fil des années, le directeur du Service de sécurité incendie d’Eastman, Daniel Lefebvre, est d’avis qu’il faudrait en faire davantage pour inciter les automobilistes à ralentir. Un défi de taille à son avis, car même lorsque les pompiers interviennent sur l’autoroute à titre de premiers répondants, plusieurs véhicules continuent de rouler à haute vitesse. » Le problème, c’est que beaucoup d’automobilistes sont imprudents et insouciants. Quand on intervient, on fait tout pour se protéger en bloquant une voie avec notre camion et parfois, ce n’est même pas suffisant. Nos gars prennent de gros risques lorsqu’ils interviennent sur l’autoroute. Le minimum, c’est de les respecter et de les aider à faire leur travail. «
En plus des dangers liés à ces interventions, surtout lorsque les conditions routières sont difficiles, il y a aussi tout le choc que peuvent subir les intervenants lorsqu’ils sont confrontés à des scènes difficiles émotionnellement, comme ce fut le cas lors de l’accident du 19 novembre dernier. » Cet accident était particulier, car on s’est retrouvé à intervenir auprès de gens qui font un métier similaire au nôtre, soit des paramédics et une infirmière. Il y avait aussi une femme enceinte. Ce n’est pas quelque chose d’habituel et je peux dire que ç’a été difficile pour certains de nos pompiers après coup. On en a parlé tous ensemble pour s’aider, car on a beau avoir une certaine carapace, on reste des êtres humains qui sont confrontés à des situations difficiles à voir et à vivre « , soutient Daniel Lefebvre, qui a d’ailleurs été le premier arrivé sur cette scène.
Cette histoire a rappelé au directeur -Lefebvre une autre intervention marquante dans le même secteur, en 2015, lorsqu’une infirmière s’était fait happer mortellement après avoir porté secours à un automobiliste, qui venait d’avoir un accident sur l’autoroute 10. » C’est le genre de scène et d’histoire qui marque une carrière. La leçon dans tout ça, c’est que personne n’est à l’abri d’un accident, et c’est encore plus vrai dans ce secteur de l’autoroute. Donc, s’il vous plaît, adaptez votre conduite et si vous avez un accident, restez dans votre véhicule jusqu’à l’arrivée des services d’urgence. Ne prenez pas le risque de sortir, c’est trop dangereux « , conclut-il.
À titre informatif, le MTQ dénombre 958 accidents sur l’autoroute 10 (entre Bromont et Magog) depuis les dix dernières années, soit du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2022. De ce nombre, il y a eu huit accidents avec blessés graves et trois accidents mortels.