Femme, mère et politicienne, une conciliation possible?
SOCIÉTÉ. La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est un défi pour de nombreuses mères, et cela est particulièrement vrai pour celles qui se lancent en politique. Geneviève Rheault, conseillère municipale à Granby et mère de trois adolescents, ainsi qu’Andréanne Larouche, députée fédérale de -Shefford et mère d’une petite fille de deux ans, partagent leurs expériences.
L’Union des municipalités du Québec (UMQ) a créé en 2017 la Commission Femmes et gouvernance, présidée par la mairesse de Granby, Julie Bourdon. Son objectif est d’augmenter le nombre de femmes candidates et élues, tout en leur offrant un soutien adapté. Depuis sa création, le nombre de conseillères municipales au Québec a haussé de 7 %, atteignant près de 40 % des élus municipaux. Si le pari de l’UMQ semble réussi, il reste encore beaucoup à faire selon un récent rapport, qui stipule que plusieurs femmes politiciennes subissent encore du harcèlement.
Le GranbyExpress a rencontré Geneviève Rheault en pleine conciliation -travail-famille, le 24 mai dernier alors qu’elle était au parc Daniel-Johnson pour encourager sa fille dans le cadre du Défi EnBarque. Pour Geneviève Rheault, la conciliation semble bien se dérouler, mais la jeune conseillère pointe notamment le manque de représentativité. «Moi, j’ai la quarantaine, je suis mère monoparentale de trois adolescents, et ce, 11 jours sur 14. Chacun a sa réalité personnelle et familiale, on ne peut pas avoir un modèle général», mentionne-t-elle.
Du côté du fédéral, la proportion de femmes députées a également augmenté au cours des dernières années, mais d’après Andréanne Larouche, députée fédérale au sein du Bloc Québécois, la politique est apparentée à un boys club, et est régie par une vraie guerre de l’image. «On voit beaucoup de commentaires sur l’image des femmes. Par exemple, elle ne peut pas être fatiguée, elle ne doit pas être trop habillée ou pas assez. Moi, quand je pars le matin, ma priorité, c’est que ma fille soit bien et ait tout ce dont elle a besoin, et non de savoir si ma chemise est bien repassée ou si le chandail que j’ai mis cette journée allait bien avec le teint de ma peau », indique la députée bloquiste et maman d’une jeune fille âgée de 2 ans.
Geneviève Rheault a trouvé un équilibre en intégrant ses enfants dans son mode de vie politique. Elle utilise notamment la technique du 10-10-10 de Suzy Welch pour évaluer l’impact de ses décisions sur différents horizons temporels. «En résumé, il s’agit d’une technique pour évaluer l’impact d’une décision. Quel sera l’impact de ma décision dans 10 minutes, 10 mois, et 10 ans. Les choix qu’on prend doivent tenir compte de cet élément de temporalité», explique-t-elle.
Andréanne Larouche amène parfois sa fille à des événements politiques, faute de temps ou par envie de l’avoir avec elle. «Quand on est une femme et une mère en politique, on doit tout le temps vérifier l’agenda pour savoir à quel événement on peut amener notre enfant et à quel autre on doit la laisser chez grand-maman», soutient Mme Larouche.
Guerre d’image
La conseillère critique notamment la fausse image des mères politiciennes qui semblent pouvoir tout concilier immédiatement après un accouchement. «J’ai attendu que mes enfants atteignent un certain âge avant de me lancer en politique. Parfois, vouloir tout faire en même temps n’est pas la solution. Un bébé, ça pleure et ça peut être dérangeant au cours d’une réunion», mentionne Mme Rheault.
Pour Andréanne -Larouche, la question de l’image est une prémisse importante en politique, mais qui ne doit pas être un frein pour les femmes souhaitant se lancer. «Être mère en politique ça vient encore avec des préjugés aujourd’hui. Je me rappellerai toujours les mots d’une députée qui m’a vue avec ma fille qui venait de naître, elle m’avait dit qu’à partir de maintenant, tu vas être soit une mauvaise mère, soit une mauvaise députée».
Pour ces politiciennes, la conciliation -travail-famille est faisable, mais exige des sacrifices et une organisation rigoureuse. Geneviève Rheault et Andréanne Larouche espèrent que leurs témoignages et leur engagement inciteront d’autres femmes à entrer en politique, tout en poussant pour des changements systémiques qui facilitent cette conciliation. «Il y a des lignes d’écoute pour le soutien psychologique, mais elles ne sont pas disponibles après les séances du conseil, ce qui est souvent le moment où tu dois ventiler avant de retourner chez toi», conclut Mme Rheault.