CPE et garderies: peu d’inspecteurs pour le nombre d’établissements
DOSSIER. Les centres de la petite enfance et les garderies du Québec sont surveillés à la loupe par les inspecteurs du ministère de la Famille. Bien que des établissements de la région récoltent des manquements, le réel manquement est au niveau du nombre d’inspecteurs.
Par Naël Shiab
Selon les données compilées par TC Média et obtenues auprès du ministère de la Famille, il n’est pas rare que les centres de la petite enfance et les garderies privées reçoivent des manquements à chaque visite d’inspecteur. Le nombre de manquements par année s’élève à 10 200.
En vrac, c’est 3182 centres de la petite enfance et garderies privées qui doivent être inspectés. Sur le territoire du Granby Express, le nombre de manquements se chiffre à 305 entre 2010 et 2015.
En 2014-2015, il y avait 44 inspecteurs du ministère pour tous ces établissements. Si on fait le calcul, ça revient à 72 établissements par inspecteur.
Le nombre d’inspecteurs stagne comparativement aux nombres de places en garderies qui ont explosé dans les dernières années.
Suzanne Major, responsable du Certificat en petite enfance et famille à l’Université de Montréal, clame que le nombre d’inspecteurs est insuffisant et juge qu’il s’agit d’une situation catastrophique. Selon elle, les inspections sont primordiales pour garantir la sécurité des services.
La propriétaire de la Garderie Éducative de Mougli inc., à Saint-Alphonse-de-Granby, Monique Bédard, assure que les visites des inspecteurs sont nécessaires. «C’est tout à fait normal. Je trouve ça bien. Même s’il n’y a pas beaucoup de visites, les inspecteurs sont disponibles. La seule chose que le ministère devrait revoir c’est de donner un mandat clair et précis à chacun des inspecteurs parce que ce n’est jamais pareil», avance-t-elle.
L’Association des garderies privées du Québec, dont les membres doivent être inspectés, dénonce le manque de ressources. «Une quarantaine d’inspecteurs pour le réseau au complet, ce n’est pas assez, soutient Mona Lisa Borrega, porte-parole du regroupement. S’ils étaient plus nombreux, on pourrait faire un meilleur travail, on pourrait approfondir davantage les problèmes du système.»
Besoins des parents
Les parents qui sont en quête d’une garderie recherchent un endroit où l’enfant pourra évoluer sainement. La proximité de l’éducatrice avec l’enfant et le volet apprentissage sont primordiaux. La sécurité des lieux est également un critère déterminant.
Produits toxiques et médicaments
Les principaux manquements dans la région sont reliés à des produits toxiques, des médicaments ou des trousses de premiers soins incomplètes. Une situation qui se répète dans l’ensemble de la province.
Plus de 1700 manquements sont en lien avec ces carences chaque année.
Si ces chiffres semblent à première vue troublants, l’Association des garderies privées du Québec (AGPQ) et l’Association québécoise des CPE (AQCPE) soutiennent que le site du ministère dresse un portrait alarmiste de la situation.
Selon l’AQCPE, le même libellé est utilisé que ce soit pour le « non-respect d’une prescription ou un pot de vaseline qui n’est pas placé sur la bonne étagère ».
Mona Lisa Borrega, porte-parole de l’AGPQ, abonde dans le même sens. «C’est de l’information générique, explique-t-elle. Moi, comme parent, si je lisais tout ce qui se trouve sur le site du ministère, je trouverais cela épouvantable.» Alors que, selon la porte-parole, dans certains cas, les infractions sont mineures et le ministère ne le précise pas.
L’Association des garderies privées réclame un droit de réplique. «On demande depuis longtemps qu’il y ait une petite colonne sur le site Web du ministère, à côté du manquement constaté, où le prestataire de service pourrait s’expliquer. »
L’Association des CPE déplore de son côté le manque d’information donnée aux services de garde quant à l’interprétation des règlements par les inspecteurs. Par conséquent, il est quasiment impossible pour un établissement d’obtenir une note parfaite, selon l’Association, même pour les meilleurs de la province.
Mme Bédard estime que les changements qui sont apportés à la réglementation devraient leur être envoyés, histoire d’avoir l’heure juste et de prévenir un manquement. «Il y a des lois et des règles et on doit les respecter. Je déplore le fait qu’on ne nous avertisse pas quand on change les règles», dit-elle.
La Garderie de Monique Bédard a enregistré quelques manquements à la dernière visite de l’inspecteur en 2013. Rapidement, la propriétaire s’est assurée de les régler. «On travaille avec des enfants et il faut être à la fine pointe. On doit être vigilants dans tout», conclut-elle. Avec la collaboration de Romy Quenneville-Girard.
Comment avons-nous fait ?
Le ministère de la Famille publie sur son site Web les rapports d’inspection pour les garderies et les CPE. À l’aide d’un programme informatique codé par nos soins, nous avons extrait, à la fin du mois d’août dernier, l’ensemble des rapports depuis novembre 2009. Ces informations ne concernent que les inspections menées dans les centres de la petite enfance et les garderies. Le ministère ne publie pas les rapports d’inspection des services de garde en milieu familial.
Autant d’inspecteurs pour le bétail que pour les enfants
Ministère de la Famille du Québec
– 3 182 centres de la petite enfance et garderies privées à inspecter
– 44 inspecteurs
– 72 établissements par inspecteur
– Une inspection minimum tous les 5 ans.
Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec
– 14 925 établissements à inspecter
– 200 inspecteurs en bien-être animal
– 74 établissements par inspecteur
– Une inspection minimum tous les 2 ans
144
Nombre de garderies et de CPE sans aucune inspection, depuis novembre 2009. Selon le ministère, il pourrait s’agir de services de garde qui ont récemment ouvert leurs portes. Les inspecteurs visitent les nouveaux établissements dans les six mois suivant la délivrance du permis.
Les différents types de services de garde au Québec
– Les centres de la petite enfance, qui sont subventionnés et inspectés par le ministère de la Famille (90 500 places)
– Les garderies privées subventionnées, qui sont inspectées par le ministère de la Famille (45 900 places)
– Les garderies privées non-subventionnées, qui sont également inspectées par le ministère de la Famille (53 000 places)
– Les services de garde en milieu familial reconnu, qui sont subventionnés et inspectés par des Bureaux coordonnateurs (91 600 places)
– Les services de garde en milieu familial non-reconnu, qui ne sont pas subventionnés et qui ne sont pas inspectés. Le ministère de la Famille ne connaît pas leur nombre.