Percer les mystères de l’argousier
AGRICULTURE. La baie d’argousier n’est pas un fruit qui se laisse apprivoiser aussi facilement. Doté d’un goût acidulé qui rebute plus d’un, ce fruit, réputé bénéfique pour la santé, cache pourtant encore bien des secrets et c’est pour cette raison que Robert Perras et Véronique Le Hégarat, de Roxton Pond, ont investi il y a quelque temps près de 150 000 $ dans une chaire de recherche lui étant consacré.
L’histoire débute en 2007 pour Robert Perras, au moment où on lui découvre une fibrose pulmonaire. Malgré les pronostics médicaux qui ne lui laissaient que deux à cinq années à vivre, M. Perras défie toutes attentes en demeurant non seulement en vie, mais aussi en poursuivant avec détermination la culture de ses argousiers, malgré les différents défis entourant cette culture.
En effet, aujourd’hui M. Perras répète à qui veut bien l’entendre que s’il est en vie aujourd’hui «c’est en bonne partie grâce à l’argousier». Après avoir été diagnostiqué, et suite à des recherches en ligne, M. Perras et sa compagne, Véronique Le Hégarat, ont appris que ce fruit était déjà reconnu pour ses prétendus bienfaits, notamment en Russie et en Chine. Commençant tout d’abord par le consommer, c’est quelques années après que le couple se lance dans la culture de ce fruit. «Ce sont les personnes qui sont focalisées plus sur leur santé qui vont connaître l’argousier. Bien souvent, les gens qui passent et qui s’arrêtent un peu par hasard ici ne comprennent pas les effets bénéfiques sur la santé, c’est ce qu’on tente de mettre en avant», soutient Mme Le Hégarat.
Et pour cause, la baie d’argousier a un fort goût acidulé, mais chez l’Argouseraie Quénébro, on lui a trouvé plusieurs autres usages et plusieurs façons de l’apprêter. En passant par des produits sucrés salés à une gamme santé, les producteurs de Roxton Pond tentent de rentabiliser chaque élément de leur fruit. En plus du populaire jus pur d’argousier, les pépins et la pulpe de la baie sont récupérés pour en faire des huiles et de la farine, entre autres, tandis que même les restes de branches sont récupérés pour en faire des crayons.
«On a des produits salés et sucrés parce qu’il faut en avoir pour tous les goûts, mais on tente de se concentrer sur les produits biologiques et de santé pour le -bien-être des personnes. On fait bien partie des haltes gourmandes et différentes initiatives du genre, mais ce n’est pas le but visé», confie la productrice d’argousiers.
À la découverte des bienfaits
C’est pour enfin percer les mystères de l’argousier que Robert Perras et Véronique Le Hégarat se sont associés à Yacine Boumghar et son équipe du Centre d’études des procédés chimiques du Québec. «Avec la chaire de recherche, on voulait donner une base scientifique solide aux bienfaits de ce fruit», avoue Robert Perras. «La force de l’argousier, ce sont les différents oméga qu’on peut y extraire. Notamment l’Oméga 7 qui est bénéfique pour la santé. C’est sûr que c’est un produit qui peut être un peu cher, mais il faut savoir que ça prend deux tonnes de fruits pour faire cinq litres d’huile », fait remarquer le producteur.
Durant leurs expériences entre 2018 et 2020, les chercheurs ont notamment réussi à extraire de l’huile de pulpe riche en oméga 7, ainsi que de l’huile de la poudre sèche de pépin, riche en oméga 3 et 6. «Avec nos analyses certifiées, on a été en mesure de savoir ce que les branches, les feuilles, le fruit et le pépin contiennent (…). On se rend petit à petit compte que l’argousier est un peu un fruit magique, souligne M. Perras.
Avant d’arriver à ce résultat, le producteur de Roxton Pond a redoublé d’ingéniosité pour cultiver, transformer ce fruit, et notamment en séparer la pulpe et le pépin. En effet, presque toutes les machines de M. Perras dédiées au traitement du fruit de l’argousier sont originellement consacrées à autre chose, mais adaptées à la culture de l’argousier.» C’est comme pour la plumeuse à poulet, je me disais que si on était capable de plumer un poulet sans le malmener, je ne vois pas pourquoi ça ne marcherait pas pour enlever les fruits de la branche», raconte le principal intéressé.