Le projet de loi 59 sur la santé et la sécurité du travail attaque mes droits
Le ministre Jean Boulet a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi 59 «modernisant le régime de santé et de sécurité du travail». La réforme proposée n’a cependant pas grand-chose à voir avec une «modernisation». Il s’agit plutôt d’une attaque frontale dirigée contre les victimes d’accidents et de maladies du travail.
Je suis moi-même aux prises avec une surdité professionnelle développé à cause de l’exposition au bruit excessif au travail. Même si ma condition actuelle est déjà reconnue, la réforme Boulet menace directement mes droits. Si elle est adoptée, l’assistance médicale, qui est entièrement à la charge de la CNESST dans la loi actuelle, sera soumise aux limites que la CNESST pourra fixer comme bon lui semble, par règlement. Je risque de devoir payer moi-même pour les appareils auditifs dont j’ai encore besoin, plus de 25 ans après que ma surdité ait été diagnostiquée.
Je porte par exemple un implant cochléaire pour lequel les batteries coûtent plus de 700$ dollars par année et certaines pièces doivent parfois être changées plus d’une fois par année à des coûts très dispendieux. De plus, de l’équipement de sécurité, non garanti, doit être remplacé au besoin, tout comme d’autres équipements spécialement adaptés en fonction de l’implant cochléaire (système d’écoute TV, radio, portable, téléphone maison). Ces articles électroniques sont estimés à plusieurs milliers de dollars à l’achat et sont garantis pour une période de deux ans maximum.
Avec la réforme du ministre Boulet, la CNESST n’assumera plus ces frais d’équipement à moins qu’elle ne les inscrive dans son règlement. Cela signifie que je devrais les assumer moi-même. À défaut d’en avoir les moyens, je vais devoir vivre avec mes problèmes d’audition.
Pourtant, je n’ai pas demandé à être exposé au bruit au travail et encore moins de devenir sourd à cause de mon métier de mécanicien de machine fixe en milieu hospitalier. J’ai eu la chance d’être opéré en 2016 et de retrouver l’ouïe afin d’avoir une vie presque normale, une vie sociale avec ma famille, mes petits-enfants et amis.
Si le projet de loi 59 est adopté, je risque d’être ramené à ce qu’était ma vie avant mon opération, puisque je n’aurai jamais les moyens de me payer ces équipements qui améliorent ma vie avec un chèque de la CNESST coupé de 25% par année à partir de 65 ans et ma petite rente de retraite.
Je risque donc de perdre énormément de ma qualité de vie à cause du projet de loi 59 de la CNESST. J’ai pourtant développé la maladie avant cette réforme. Cela n’a aucun sens. Je devrais vivre une belle retraite, et non pas une retraite dans la misère. Et je ne suis pas un cas isolé, il y a plein de monde dans ma situation qui va subir le même sort à leur retraite.
Pour les gens qui développeront leur maladie après la réforme, ça risque d’être pire encore. De nombreuses victimes de ces maladies seront donc complètement privées de compensation.
Le ministre annonce que son projet de loi pourrait faire économiser plus de 4 milliards de dollars à la CNESST et aux employeurs sur une période de 10 ans. Ce qu’il ne dit pas, c’est que c’est aux dépens des victimes d’accidents et de maladies du travail que seront réalisées ces économies.
On ne choisit pas d’être victime d’un accident ou d’une maladie du travail. Ça nous tombe dessus, sans s’annoncer. On a besoin d’un régime de réparation qui nous protège vraiment en cas de blessures ou de maladies causées par le travail. Le projet de loi 59, qui affaiblira grandement cette protection, ne doit donc pas être adopté. Le gouvernement doit le retirer!
Roger Lavoie, Granby