L’héritage de Paul Brunelle demeure bien vivant
CULTURE. Il y a 20 ans, le 24 novembre 1994, disparaissait une icône de la chanson. Pionnier de la chanson country francophone, le Granbyen Paul Brunelle est aussi l’un des premiers à avoir touché le cœur des Québécois en leur chantant leur quotidien. Deux décennies plus tard, son héritage demeure bien vivant.
Si le Québec compte d’innombrables festivals country, des émissions de télévision, des radios dédiées à ce genre musical et des centaines de milliers d’adeptes, c’est en partie grâce à Paul Brunelle. «Ces gens-là (avec Marcel Martel et Willy Lamothe) sont à l’origine du fait que le country est aussi dynamique et que l’on chante en français», affirme l’historien de la chanson Robert Thérien.
Une simple recherche lancée sur le site de vente en ligne des magasins Archambault, avec le nom «Paul Brunelle», révèle encore 32 produits. On y trouve des compilations, des rééditions, des hommages de toutes sortes.
«Je pense que sa mémoire est encore bien vivante, au grand étonnement de mon frère, ma sœur et moi!», confie Francine Brunelle, la fille de ce monument de la chanson.
«Je ne peux pas dire que je participe aux festivals country, mais j’ai une voisine qui y va régulièrement et elle me raconte souvent que des gens chantent du Paul Brunelle. Il y en a même qui ne chante que ses chansons», raconte la dame qui demeure toujours à Granby.
À la fin de sa vie, Paul Brunelle a vendu les droits d’auteurs sur la plupart de ses chansons. Son épouse a cédé le reste quelques années après son décès. Une décision que la famille regrette, bien que l’acquéreur ait perpétué l’héritage musical de leur père.
Des millions de disques vendus?
Dans une entrevue accordée à un magazine au moment de son retrait de la chanson, alors qu’il devait combattre un cancer de la gorge, Paul Brunelle mentionne qu’il calcule avoir vendu «à peu près de 4 à 5 millions de disques».
Des chiffres que les historiens remettent en doute.
«C’est très difficile à vérifier, mais plusieurs sources disent que le country vend énormément plus. Il y a très peu d’archives pour valider ça», commente Catherine Lefrançois, dont la thèse de doctorat porte sur La chanson country western, 1942-1957.
Dans sa thèse, la chercheuse rapporte que dans les années ’60, les albums de Paul Brunelle sur étiquette London s’écoulaient à 45 000 copies chacun. Robert Thérien considère lui aussi ces données exagérées, mais soutient que Brunelle «avait des chiffres très confortables». «Si tu ne vends pas assez, t’en fais pas d’autres. Lui, il a enregistré sans arrêt entre 1944 et les années ’80, ça veut dire quelque chose», relève-t-il.
S’il faut généralement se méfier de ce genre de déclarations de la part d’un artiste, l’humilité et la franchise de Brunelle permettent tout de même d’y accorder une certaine crédibilité.
Une voix et un son
Le nom de Paul Brunelle est lié à ceux de Willy Lamothe et de Marcel Martel qui partagent la paternité du country western francophone. Dans ses recherches, Catherine Lefrançois accorde toutefois une distinction à l’auteur-compositeur-interprète granbyen.
«Il était un excellent chanteur avec une technique incroyable. Il avait un yodel extraordinaire et il a imposé le yodel. Sur Le boogie woogie des prairies, le yodel occupe plus de la moitié de l’enregistrement», écrit-elle dans sa thèse.
Paul Brunelle a aussi introduit une innovation sonore dans l’enregistrement de son succès Le train qui siffle. Au moment où l’artiste imite le train, on ajoute beaucoup de réverbération. «C’était très rare en musique country à l’époque», remarque la spécialiste.
Paul Brunelle (1923-1994)
Né à Granby en 1923, Paul Brunelle a commencé à chanter vers l’âge de 4 ans. Il a ensuite fait ses classes au sein des Petits chanteurs au début des années ’30. Tout en travaillant à la Miner Rubber, il monte un orchestre qui se produit dans divers événements jusqu’à ce qu’il soit découvert grâce au concours Living Room Furniture à la radio CKAC.
Au cours de sa carrière de 40 ans, il produit environ 95 enregistrements et 350 chansons originales. Il se retire de la scène au début des années ’80 en raison d’un cancer de la gorge. Celui qui aura habité Granby toute sa vie décède des suites d’un cancer des poumons en 1994.