Les plaidoiries finales présentées lors du procès pour trafic d’êtres humains
FERGUS FALLS — Un procureur a exhorté jeudi un jury à déclarer coupables deux passeurs d’êtres humains accusés, affirmant qu’ils se souciaient plus de l’argent que de la sécurité des gens et qu’ils avaient causé la mort d’une famille de quatre personnes dans une tempête de neige dans les Prairies.
«Ils savaient qu’ils risquaient la vie des gens», a déclaré Michael McBride dans ses plaidoiries finales après trois jours de témoignages devant un tribunal de district américain. «Pour eux, toutes ces personnes n’étaient que des symboles de dollars».
Steve Shand et Harshkumar Patel ont plaidé non coupables des accusations selon lesquelles ils faisaient partie d’un réseau international de passeurs qui a amené des personnes d’Inde au Canada avec des visas d’étudiant, puis de l’autre côté de la frontière vers les États-Unis à pied. Ils sont accusés d’avoir aidé des personnes à traverser la frontière entre le Manitoba et le Minnesota à plusieurs reprises en décembre 2021 et janvier 2022.
M. Patel aurait organisé la logistique des voyages et payé M. Shand pour récupérer des migrants dans des véhicules de location.
M. Shand a été arrêté lorsqu’il conduisait une camionnette sur une route isolée juste au sud de la frontière le 19 janvier 2022, alors que la température était inférieure à -20 °C et que des vents forts rendaient la sensation de froid encore plus forte. Il y avait deux migrants dans la camionnette et plusieurs autres à pied à proximité.
Quelques heures plus tard, les corps gelés de Jagdish Patel, 39 ans, de sa femme Vaishaliben Patel, 37 ans, de leur fille de 11 ans, Vihangi, et de leur fils de trois ans, Dharmik, ont été retrouvés dans un champ à quelques mètres de la frontière. Ils n’avaient aucun lien de parenté avec l’accusé.
Le père et ses deux enfants sont morts blottis les uns contre les autres dans le froid, a indiqué M. McBride, tandis que la mère est morte contre une clôture grillagée près d’une installation de gaz naturel sans personnel – ce qui indique qu’elle avait quitté sa famille pour essayer de trouver de l’aide dans le seul bâtiment en vue cette nuit-là.
Des relevés téléphoniques présentés
L’accusation a produit des relevés téléphoniques qui montraient des dizaines d’appels et de SMS entre des téléphones appartenant prétendument à M. Shand, M. Patel et d’autres. Les messages évoquent les prix du transport de personnes, des véhicules de location, le froid dangereux, des emplacements spécifiques dans un secteur éloigné de la frontière et d’autres éléments.
Le jury a également vu des relevés de vols et de location de voitures. Une analyste du FBI a témoigné jeudi qu’en utilisant les emplacements des antennes relais, elle avait pu suivre le téléphone qui appartenait prétendument à Steve Shand lors de ses déplacements de son domicile en Floride à Minneapolis, puis jusqu’à des zones proches de la frontière. Ces déplacements se sont produits à peu près au même moment que certains passages de migrants.
Les avocats de M. Shand ont affirmé qu’il était un chauffeur de taxi en Floride à qui Harshkumar Patel avait proposé de l’argent pour aller chercher des gens à différents endroits et qu’il n’avait pas réalisé qu’il faisait quelque chose de mal jusqu’au jour de son arrestation.
«Il est un peu désemparé. Il est un peu naïf», a indiqué l’avocat Aaron Morrison dans ses plaidoiries finales. «Il (était) utilisé par la conspiration».
Le fait que M. Shand n’ait jamais utilisé de fausses pièces d’identité et qu’il ait loué des véhicules en son nom est un signe qu’il avait le sentiment de ne rien faire d’illégal, a déclaré Me Morrison.
Né en Jamaïque et vivant en Floride, Steve Shand ne pouvait pas vraiment se rendre compte à quel point le temps à la frontière était dangereux, a ajouté Me Morrison.
Le procureur Michael McBride a rétorqué que M. Shand avait fait plusieurs voyages dans le froid glacial et devait savoir qu’il agissait illégalement. Un agent de la patrouille frontalière a témoigné que le jour de son arrestation, alors que plusieurs migrants erraient encore dans le froid, M. Shand avait indiqué qu’il n’y avait plus personne à retrouver.
«Il n’a jamais appelé personne à l’aide», a souligné le procureur McBride.
Les avocats de Harshkumar Patel ont déclaré que leur client avait été mal identifié. M. Patel n’a été arrêté qu’au début de l’année et ses avocats ont avancé que, contrairement à M. Shand, il n’y avait aucune preuve de sa présence dans la zone frontalière ni de relevés bancaires montrant qu’il avait gagné de l’argent.
Les avocats de M. Patel ont également souligné que l’accusation avait tort de dire qu’un contact nommé «Dirty Harry» dans le téléphone de M. Shand, avec qui les messages et les appels téléphoniques ont été partagés, était M. Patel.
«Dirty Harry et M. Patel ne sont pas la même personne», a soutenu Thomas Plunkett dans ses remarques finales.
Le procès a permis de constater que le même numéro de téléphone répertorié pour Dirty Harry était également utilisé par M. Patel sur un document gouvernemental. Le numéro de Dirty Harry a aussi été utilisé pour ouvrir un compte bancaire en 2018 sous le nom de Haresh Patel, un pseudonyme utilisé par M. Patel, a déclaré l’agent spécial des enquêtes sur la sécurité intérieure, Manuel Jimenez.
Le procès à Fergus Falls, au Minnesota, a également entendu jeudi deux médecins légistes. Ils ont témoigné que la famille retrouvée sans vie le long de la frontière est morte d’hypothermie.
Les autopsies ont dû être effectuées quelques jours après la découverte de la famille, car les corps étaient trop gelés, a expliqué un pathologiste.
L’un des migrants qui ont survécu au passage de la frontière cette nuit-là a mentionné que le groupe avait été conduit de Winnipeg, au Manitoba, vers une zone proche de la frontière et qu’on lui avait dit de marcher en ligne droite dans le noir jusqu’à ce qu’ils voient un autre véhicule du côté américain. Yash Patel a indiqué avoir marché pendant plusieurs heures dans une neige aveuglante avant de trouver la camionnette dans laquelle lui, M. Shand et un autre migrant ont été placés en détention.
Le jury doit recevoir des instructions du juge vendredi.