Vieillir, c’est aussi vivre pleinement

OPINION. Plusieurs voient le vieillissement comme une condamnation à la décrépitude, menant à l’extinction totale. Et parmi ceux-ci, figurent bon nombre de vieux et de vieilles. Ils s’arrêtent et attendent la mort. C’est la tombée du jour et la nuit s’éternise. La vie en phase terminale.

C’est vrai, la vieillesse n’est pas tendre : maladie, déracinement (vente de la maison, placement en résidence), perte des proches, du permis de conduire, des capacités physiques, de la beauté de notre jeunesse…C’est pourtant une étape du développement comme toutes celles qui jalonnent le cycle de vie et ayant chacune son lot de transitions qui nous amènent à vivre autrement. Pourquoi, concernant la dernière étape, celle de la vieillesse, on ne parle plus de transitions s’ouvrant sur la nouveauté, on parle d’événements ne menant nulle part, de points de chute, on tente de nous convaincre que vieillir, c’est vivre moins, de moins en moins, c’est s’éteindre à petit feu.

Cette idée perverse de la vieillesse ne tient plus la route devant l’exemple de passages salutaires, de transitions heureuses chez de nombreux-ses aînée-es.

L’exemple de Colette, 73 ans: diagnostic de cancer

Colette apprend qu’elle est atteinte d’un cancer aux poumons. Un élan la propulse à s’entraîner furieusement pour défier le mauvais sort. C’est une fuite en avant et Colette redescend sur terre. Elle a besoin d’une période d’ajustement pour accepter ses limitations. Elle prend conscience du temps qui reste et revoit ses priorités.

Finalement, un chemin jamais fréquenté jusque-là se dessine à l’horizon : l’importance de son intériorité et de l’ouverture aux autres. Elle s’apaise et s’ouvre à la nouveauté.

L’exemple d’Hélène, 69 ans: le décès de collègues de travail

Nouvellement retraitée, Hélène scrute les avis de décès où, de plus en plus souvent, apparaît un ou une ex-collègue de travail. C’est chaque fois une petite secousse sismique qui la renvoie à sa propre finalité. L’idée de sa propre mort n’est plus une abstraction, elle devient concrète et s’impose à l’esprit. Elle doit «faire avec», vivre avec. Calamité ? Non, bénédiction! Hélène remanie ses valeurs. Elle ne prend plus sa vie et sa qualité de vie pour acquises, les apprécie davantage, les savoure au présent. Elle s’éveille à l’importance d’une préparation à son départ, à son absence, et ressent gratitude et sentiment d’urgence face au temps qui reste.

L’exemple de Marie-Ange, 67 ans: un déménagement très lourd

Comme Hélène, Marie-Ange est nouvellement retraitée. Elle habite Montréal durant toute sa vie adulte. Mais la ville n’est plus aussi facile à vivre : bruit incessant, chaleur suffocante, violence, trafic infernal, congestion, cônes orange et interminables détours…Elle rêve de terminer ses jours comme un long fleuve tranquille, là où elle a grandi et où se trouve sa famille, à Granby. Pandémie oblige, elle subit l’isolement et la paralysie des services. Le projet est sur pause, encore et encore. Un nouveau locataire s’installe dans le logement adjacent.

Toxicomane, il mène un train d’enfer qui lui vole son sommeil et empoisonne sa vie. S’ajoutent à ces malchances la pénurie de logements et l’augmentation vertigineuse du prix des loyers. Marie-Ange, épuisée, désespérée, finit par crier «À l’aide!». Huit personnes (sœurs et amis-es) remplissent des boîtes et trouvent un logement abordable et décent. En acceptant de recevoir de l’aide, l’impasse s’est transformée en sentier, le tunnel s’est ouvert sur la lumière.

Mais d’où ça sort, cette «théorie de la décrépitude». Nous, les aînés, ne l’avons pas choisie. C’est une représentation négative du vieillissement qui nous est imposée. Et nous n’en voulons plus.  «La vie, c’est comme la bicyclette, il faut avancer pour ne pas tomber», dit Albert Einstein. Et nous continuons à pédaler.

Sylvie Allard

Lise Béliveau

Suzie Béliveau

Rita Bérubé

Diane Blais

Sylvie Godin

Julie Haman

Madeleine Lepage

Membres de La Brigade des crayons aiguisés, de l’Association québécoise de défense des droits des retraités-ées AQDR