Un couple français menacé d’expulsion à cause d’une erreur administrative
COMMUNAUTÉ. Anaïs Terka, infirmière à l’hôpital de Granby, et Frédéric Laurent, cadre dans le secteur du sport mécanique, se retrouvent face à une impasse administrative qui menace leur vie au Canada. Malgré leur intégration réussie et leur contribution incontestable dans des secteurs critiques, le couple est actuellement en proie à une potentielle expulsion due à une erreur administrative concernant leur renouvellement de visa.
Anaïs, une infirmière spécialisée en oncologie, et Frédéric, ancien coureur automobile et formateur en conduite à haute vitesse pour des services d’urgence, ont choisi le Québec après une campagne de recrutement de Santé Québec en France. Leur arrivée en février 2021, après deux ans et demi de démarches compliquées par des refus initiaux dus à toutes sortes de situations, semblait marquer le début d’une nouvelle aventure.
« En toute modestie, on aurait pu prendre une retraite dans les îles françaises, couler de vieux jours heureux, avec un salaire minime et une vie pas trop mauvaise. Mais on a voulu continuer à faire quelque chose de notre vie, et c’est au Québec qu’on voulait faire ça, c’était une vraie issue pour nous », indique Frédéric Laurent.
Le couple arrive finalement au Québec en février 2021, près de deux ans et demi après le début de leurs démarches. Trois ans plus tard, soit en septembre 2023, alors que leur visa de travail touche à sa fin, le couple a demandé un renouvellement, mais une notification de l’IRCC en janvier dernier a révélé l’absence d’un document essentiel, le Certificat d’Acceptation du Québec (CAQ).
Au même moment, la marraine d’Anaïs, résidant toujours en France, tombe gravement malade, poussant le couple à envisager de retourner en France pour être à ses côtés. Toutefois, confronté à leur situation, le couple a décidé de rester au Québec. « À ce moment-là, nos permis de travail sont échus. Tant qu’on est sur le territoire, on peut travailler, mais si on le quitte, on revient en tant que visiteurs et on perd notre statut. Donc on ne le fait pas », explique Anaïs Terka.
Début du cauchemar administratif
Cette décision, dictée par la crainte de perdre leur statut au Canada, se transforme en un profond regret lorsque la marraine d’Anaïs décède peu après. Le drame personnel se double alors de frustrations administratives lorsque, le 28 mars, ils reçoivent une notification de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) leur indiquant que leur demande de renouvellement de visa ne peut être traitée en raison de l’absence d’un document essentiel, et que le couple n’avait plus le droit de travailler ou de demeurer au Québec, leur laissant 90 jours pour plier bagage.
Cherchant des clarifications, Frédéric tente de contacter l’IRCC, mais est redirigé vers un poste douanier. « La première chose qu’on fait, c’est me menacer. On m’explique que si moi ou ma femme avions travaillé le jour même, ils viendraient nous chercher pour nous mettre dans l’avion et nous renvoyer », s’étonne M. Laurent.
La situation avec le douanier finit par se régler, et ce dernier demande plutôt à Frédéric et Anaïs de passer par l’IRCC pour régulariser leur dossier. Le couple effectue alors une demande de reconsidération du dossier. Depuis, silence radio. « On y a même joint une capture d’écran pour montrer que de notre côté, le document était bien téléversé et qu’on ne comprenait pas pourquoi ils n’avaient rien de leur côté », fait savoir Mme Terka.
Devant l’impasse, le couple s’est tourné vers Andréanne Larouche, la députée fédérale de Shefford, qui a réagi rapidement selon le couple français, en appuyant leur demande de reconsidération. « Ils ont été très réactifs et super accueillants avec nous. Moins de 48h après, ils nous ont rappelés pour nous dire que le suivi avait été fait avec l’IRCC, que l’erreur informatique était bien visible et qu’elle appuyait notre demande de reconsidération envers l’immigration. Et elle nous a fait savoir que ça allait durer trois semaines », souligne l’infirmière.
Dans le flou
Cependant, trois semaines plus tard, la situation n’est toujours pas résolue, laissant Anaïs et Frédéric dans une situation alarmante. « Nous avons tout construit ici, et maintenant on risque de tout perdre sur un malentendu administratif », confie la jeune infirmière.
« D’un côté, on nous dit que nous avons 90 jours pour quitter le territoire, et de l’autre, nous avons moins de 90 jours pour rétablir la situation, mais on nous explique que ça peut prendre des semaines, voire des mois. Le seul remède qu’on nous propose, c’est de refaire une demande d’immigration initiale, celle qu’on avait faite en France et qui prend minimum trois à six mois pour être traitée », ajoute le cadre dans le secteur du sport mécanique.
« Oui on peut refaire cette demande en restant sur le territoire, mais on n’a aucun droit. On est comme des touristes, on ne peut pas travailler, s’installer, ni rien. Présentement, on vit sur nos économies qui fondent comme neige au soleil ».
La situation semble d’autant plus absurde que le couple est reconnu dans ses domaines respectifs, notamment dans le secteur de la santé où les besoins sont criants. « On m’aurait dit je ne suis pas le citoyen qu’on veut avoir, je n’aurais eu aucune question, j’aurais pris mes affaires et je serais parti ailleurs, c’est logique. Mais on me dit qu’on ne peut pas aller plus loin, parce que le document n’a pas été fourni, et ça, on est capable de démontrer que c’est seulement une erreur », martèle M. Laurent.
Anais Terka, partageant le stress de cette incertitude, souligne l’angoisse de devoir potentiellement abandonner leur vie établie. « On est dans un grand flou. Soit on organise notre départ, et on court le risque que dans trois semaines on nous dit finalement de rester, soit on attend sans enclencher de processus de départ et on nous dit de partir quand même. C’est un grand stress, on ne sait plus quoi penser. Est-ce qu’il faut vraiment qu’on parte alors qu’on a construit notre vie ici ? On veut continuer notre bout de chemin ici. »
Frédéric Laurent, envisageant un scénario où ils seraient forcés de repartir à zéro ailleurs, se demande : « Si demain on te dit que le Québec n’existe plus, et que tu as deux mois pour aller refaire ta vie, tu ferais quoi ? Tu iras où ? Comment tu vivrais ? Où tu travaillerais ? Où tu habiterais ? Deux mois pour réfléchir à tout ça, ce n’est pas faisable. On ne pourrait pas rebondir d’une vie normale du jour au lendemain. »
« On se donne jusqu’à la fin de la semaine pour esperer avoir une réponse; passé ce délai, nous n’aurons pas d’autre choix que d’entamer des procédures de départ », regrette Frédéric Laurent.