L’école à la maison: une option de plus en plus populaire
ÉDUCATION. Alors que la rentrée scolaire bat son plein à travers toute la province, de plus en plus de familles décident de bouder le système traditionnel en gardant leurs enfants à la maison et en assurant eux-mêmes leur éducation. Que ce soit à cause de la rigidité du système scolaire, du manque de remise en question du système éducatif ou encore pour des motifs personnels, plusieurs raisons poussent des centaines de familles de la région à adopter l’école à la maison.
Pour Eve Denis et son conjoint, l’éducation de leur fille était une priorité. Ils sont tous deux travailleurs indépendants, et au lieu de confier l’éducation de leur enfant à une école traditionnelle, ils ont décidé de prendre les choses en main. Pour eux, c’était une continuité naturelle, car leur fille n’avait jamais fréquenté d’école formelle. « De plus, elle avait beaucoup de facilité et était déjà en avance. Je ne la voyais pas aller en classe de première année alors qu’elle savait déjà lire depuis longtemps », a mentionné Mme Denis.
C’est en poursuivant ce cheminement qu’Eve Denis a découvert l’Association Québécoise pour l’Éducation à Domicile (AQED). De fil en aiguille, la jeune maman a vite décidé de s’impliquer davantage au sein de l’organisme pour finalement devenir une représentante régionale (Haute-Yamaska et Brome-Missisquoi). Aujourd’hui, en plus d’assurer l’éducation de sa fille, Eve Denis transmet toutes les informations relatives à l’école à la maison aux parents, qui sont de plus en plus nombreux à embrasser cette réalité. « Dans nos cours de gymnastique, le lundi matin, nous avons souvent 48 enfants qui participent à cette activité. Nous pourrions en avoir davantage, mais nous n’avons pas suffisamment d’entraîneurs. Cela montre un peu les chiffres », a fait savoir Eve Denis.
Pour certains parents, l’école à la maison permet surtout de personnaliser l’apprentissage en fonction des besoins de leur enfant. Ainsi, l’éducation à domicile leur permet de progresser à leur rythme, sans être limités par un programme scolaire standardisé. En ce qui concerne la socialisation, Eve Denis assure que cet élément important dans l’épanouissement de l’élève n’est certainement pas négligé. « Même si nos enfants font l’école à la maison, cela ne signifie pas que nous sommes seuls chez nous à faire des cahiers comme à l’école. Nous avons plusieurs autres cours en groupe, tels que des cours de gymnastique, de danse, de dessin, un club de lecture et un club d’échecs, ainsi que bien d’autres activités », a expliqué la responsable régionale de l’AQED.
L’enjeu des examens ministériels obligatoires
Bien que l’éducation à domicile offre de nombreux avantages, elle présente également des défis uniques. En plus de gérer leur propre temps, les parents doivent se conformer aux suivis rigoureux de la Direction de l’enseignement à la maison (DEM) et trouver un équilibre entre les besoins de leur enfant et les exigences légales. « Depuis les dernières années, nous avons le suivi le plus serré du pays au Québec. C’est un peu dommage, car de nombreuses familles retirent leurs enfants pour faire les choses différemment, mais avec ce suivi, nous sommes un peu limités, car nous ne pouvons pas faire l’éducation comme en Norvège ou en Suède », a expliqué la mère de famille.
D’autre part, l’une des questions les plus controversées dans l’éducation à domicile est l’évaluation des élèves, car depuis l’année dernière, les examens ministériels sont devenus obligatoires pour les enfants qui font l’école à la maison. Pour de nombreux parents, cela suscite des préoccupations, car ces examens ne tiennent pas compte des besoins spécifiques de l’éducation à domicile, en plus de compter pour 100 % de la note finale (contrairement à 50 % à l’école). « Nous ne trouvons pas cela juste, car les examens ministériels nous obligent à mettre notre enfant dans un endroit qu’il ne connaît pas. Même si la commission scolaire nous loue un local ici pour faire les examens, ce ne sont pas des espaces adaptés pour nos enfants, qui sont également surveillés par des personnes qu’ils ne connaissent pas du tout », a plaidé Eve Denis.
De plus, les parents-éducateurs de l’AQED reprochent également au gouvernement de les exclure du processus d’évaluation et de ne pas leur permettre d’accéder à la copie corrigée. « Donc, nous ne pouvons même pas l’utiliser pour adapter notre enseignement. Nous recevons le résultat, mais nous ne savons pas pourquoi l’enfant a obtenu telle ou telle note. Cela ne nous est pas très utile et cela génère beaucoup de stress chez les enfants. C’est un mode d’évaluation que nous trouvons difficile à adapter à notre façon de faire ».
Un autre enjeu réside dans l’abolition d’une table de concertation regroupant des associations comme l’AQED, les centres de services scolaire ainsi que le gouvernement. « À cause de cela, il n’y a plus de canal de communication entre les acteurs majeurs, le gouvernement et les centres de services scolaire. Depuis que nous n’avons plus ce canal, cela devient vraiment plus difficile, car il y a de nombreuses lois et nouveautés, et tous les parents ne sont pas au courant », a indiqué Mme Denis.
Pour faire valoir leurs points, les membres de l’AQED poursuivent par ailleurs en justice le gouvernement. Sous la direction de Me Anne France Goldwater, les parents-éducateurs demandent au gouvernement de revoir les exigences concernant les examens ministériels, ainsi que de rétablir la table de concertation.