Mieux soigner les aînés en rapprochant les gériatres de la première ligne
MONTRÉAL — Avec sa démographie vieillissante, le Québec devra prendre soin de plus en plus d’aînés au cours des prochaines années. Dans le but de mieux traiter ces patients, un projet pilote sera déployé cet automne dans le réseau de la santé afin de créer des ponts entre les médecins gériatres et la première ligne.
Le projet de «gériatre répondant» est mené par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) en collaboration avec l’Association des médecins gériatres du Québec (AMGQ). L’initiative a également reçu un soutien financier de plus de 4,5 millions $ du fonds de l’Institut de la pertinence des actes médicaux (IPAM) pour la mise en place du projet pilote et le déploiement dans l’ensemble du réseau.
En réalité, ce n’est pas un, mais quatre projets pilotes parallèles qui seront lancés dans chacun des réseaux universitaires de santé et de services sociaux (RUISSS), c’est-à-dire dans les établissements associés à l’Université Laval, à l’Université McGill, à l’Université de Montréal et à l’Université de Sherbrooke.
La version pilote doit s’étendre de septembre 2023 à mars 2024, le temps de bien implanter la pratique et d’apporter les améliorations nécessaires en cours de route. Puis, le MSSS avance l’échéancier ambitieux de déployer un véritable programme dans tout le réseau à la fin de 2024.
De manière simple, on peut décrire la démarche comme un moyen de rapprocher les médecins gériatres, une spécialité tertiaire, de la première ligne. Concrètement, les médecins de famille, les infirmières praticiennes spécialisées ou les équipes de soins à domicile pourront soumettre des cas de patients complexes à l’attention d’un spécialiste du vieillissement.
La responsable de la mise en place du projet au sein de la direction générale des services aux personnes âgées et aux proches aidants du MSSS, Dyane Benoit, précise que l’objectif principal consiste à améliorer l’accessibilité à l’expertise gériatrique. On cherche aussi du même coup à bonifier l’expertise gériatrique des intervenants de première ligne par la formation auprès de médecins gériatres.
Cette approche plaît beaucoup au Dr David Lussier, médecin gériatre à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, selon qui «il faut vraiment que la gériatrie sorte des hôpitaux et puisse aller vers le patient, vers la première ligne, sur le terrain».
D’après son expérience, le Dr Lussier s’attend à ce que plusieurs médecins de famille soumettent des demandes de consultations pour des cas de troubles cognitifs avec des symptômes comportementaux psychologiques de la démence (SCPD). On parle de patients pouvant être agités ou agressifs.
Il croit que les gériatres pourraient aussi être interpellés pour confirmer des diagnostics de pathologies cognitives en lien avec des problèmes de chutes ou encore pour donner leur opinion dans une démarche de mandat d’inaptitude.
Afin de s’assurer de l’efficacité du projet, un intervenant pivot aura la charge d’analyser chacune des demandes avant de les soumettre au gériatre «de garde». Cet intermédiaire devra s’assurer que toutes les options ont été envisagées avant de faire appel au médecin gériatre. Il aura aussi la responsabilité de préparer les dossiers et de coordonner les horaires de consultation pour un rendement optimal.
«On ne veut pas une consultation six mois plus tard, insiste Mme Benoit. On veut une consultation immédiate.» Elle ajoute que ce qu’il manque, c’est une accessibilité organisée et c’est le besoin que le programme vient combler.
L’entente entre le ministère et l’AMGQ prévoit qu’un médecin gériatre soit disponible pour ces consultations du lundi au vendredi, de 8h à 17h.
Prévention
Ce programme favorisant l’accès aux médecins gériatres se veut du même coup un outil de prévention visant à prolonger le maintien à domicile des aînés en évitant le plus possible la détérioration de leur état physique et mental.
«C’est une avenue intéressante, reconnaît Dyane Benoit en citant de possibles interventions à domicile, mais aussi en ressource intermédiaire ou en résidence privée pour aînés. On veut que la personne à domicile arrive le plus tard possible en CHSLD. Et même en CHSLD, la personne a aussi droit à cette expertise pour être le mieux possible dans son milieu de vie.»
Le Dr David Lussier convient qu’une intervention rapide auprès du patient à domicile ou en RPA pourrait notamment prévenir la perte d’autonomie.
«Ce qu’on peut prévenir surtout, ce sont des visites à l’urgence. Si on a un patient vraiment complexe et qu’on ne sait pas quoi faire avec lui, le gériatre pourrait aider et éviter une visite à l’urgence. Ce serait un effet vraiment bénéfique.»
Selon les données du MSSS, on compte environ 110 médecins gériatres dans le réseau québécois, ce qui est insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins dans chacune des régions.
Le Centre d’excellence en vieillissement de Québec participe également au projet en mettant son expertise à contribution. Il mènera une évaluation d’implantation afin d’apporter des ajustements en cours de route pour corriger ce qui ne fonctionne pas et accélérer le déploiement.
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