La Meute à Granby: les citoyens appelés à l’ouverture et à la vigilance
MILITANTISME. Au moment où le controversé regroupement La Meute souhaite se développer à Granby, des intervenants reliés à l’immigration et à la prévention contre la radicalisation ne cachent pas leur inquiétude; ils appellent les citoyens à la vigilance.
En place depuis 1992, Solidarité ethnique régionale de la Yamaska (SERY) assure l’accueil des personnes immigrantes et travaille d’arrache-pied pour faciliter leur intégration. Bien connu des citoyens, l’organisme a ouvert les bras à plusieurs vagues de nouveaux arrivants, qu’ils soient en provenance de l’Afghanistan, de la Bosnie-Herzégovine, du Kosovo, de la Colombie, des pays de l’Afrique ou, plus récemment, de la Syrie.
Sa directrice générale, Joanne Ouellette, refuse d’être alarmiste. Elle admet néanmoins être préoccupée à l’idée que La Meute s’organise à Granby et y prenne du galon. Si elle ne met pas tous les militants du mouvement dans le même panier, elle craint toutefois que des événements malheureux surviennent. «Je m’inquiète, parce que si jamais il y a, à Granby, une marche ou quelque chose comme ça avec La Meute, il va sûrement s’adjoindre des pas fins qui vont, par exemple, vouloir faire du grabuge», explique-t-elle.
Elle invite également les militants de ce mouvement, qui revendique, entre autres, une immigration plus contrôlée et des frontières mieux protégées, à constater par eux-mêmes à quel point l’immigration «est une réussite» à Granby.
«C’est bien sûr qu’on ne peut pas intégrer des gens qui viennent tout juste d’arriver en claquant des doigts. Il faut prendre le temps. Quand ils sont intégrés, laissez-moi vous dire que ça marche!», ajoute celle qui dirige le SERY depuis environ 20 ans. Cette dernière note qu’une quarantaine de familles issues de l’immigration possèdent leur propre entreprise à Granby et contribuent à l’essor de la Ville. Au total, 119 nationalités sont représentées sur le territoire de la ville et ses environs.
Continuer à ouvrir les bras
Face à ce mouvement qui gagne en importance au Québec, Mme Ouellette invite la population Granbyenne à demeurer ce qu’elle est, c’est-à-dire synonyme d’accueil. «J’espère qu’elle demeurera du côté des immigrants et qu’elle continuera à les aider», lance-t-elle. Elle souligne d’ailleurs que les réfugiés syriens qui ont récemment élu domicile à Granby ont été jumelés à des familles québécoises, qui se sont fait un plaisir de participer à leur intégration et de leur donner un coup de main.
«On veut que la ville demeure un modèle d’intégration au Québec, parce que c’est ce que Granby est», renchérit quant à lui le directeur général adjoint de l’organisation, Frey Guevara. Lui-même réfugié colombien, M. Guevara est reconnaissant de l’accueil qui lui a été réservé lors de son arrivée, en 2003. Celui-ci espère que ceux qui marcheront dans ses traces au cours des prochaines années auront droit à une aussi grande dose d’ouverture de la part des citoyens. «Il faut se donner la chance de découvrir le monde à travers son voisin», rappelle-t-il, précisant que la connaissance de l’autre et de sa culture permet une cohabitation non seulement plus agréable, mais également riche en découvertes.
Attention, dit un expert
David Morin, cotitulaire de la chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents, peine à clairement définir La Meute, sa classification faisant encore l’objet de débats. En raison des thèmes empruntés et du discours défendu, il hésite entre les expressions «extrême droite identitaire» ou «populiste de droite». Quoiqu’il en soit, il estime que le portrait est beaucoup moins rose que celui présenté par le chef du clan de la Montérégie, Ricky Caya.
«Je veux bien que La Meute essaie, pour être politically correct, de se dissocier de l’extrême droite ouvertement raciste et radicale, mais il n’en reste pas moins qu’ils chassent sur les mêmes terres. Et je pense qu’une partie des gens qui y adhèrent ne sont pas nécessairement conscients de cela, par exemple du fait qu’ils seront appelés à côtoyer des gens qui sont beaucoup plus radicaux qu’eux […]», défend-t-il.
Celui qui est également vice-doyen aux études supérieures et aux affaires internationales de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke invite les citoyens se sentant interpellés par ce type de regroupement «à la haine et la discrimination sous-jacentes» à faire preuve de discernement. «Par définition, personne n’aime être qualifié d’extrême droite, personne n’aime être qualifié de raciste. Donc évidemment, il faut que les gens se fassent leur propre idée et lisent les propos de certains des membres pour ce qu’ils sont, pas pour qu’on voudrait qu’ils soient», fait-il valoir.
Par exemple, le professeur note que certains commentaires publiés sur la page Facebook secrète de La Meute sont empreints de racisme.
Des préoccupations légitimes
M. Morin estime que les craintes de la directrice générale du SERY, Joanne Ouellette, sont légitimes. Il rappelle que des groupuscules ont précédemment infiltré des manifestations organisées par La Meute à Québec. «Il y a quand même des vases communicants entre La Meute et des groupes qui sont beaucoup plus radicaux, voire certains groupes radicaux violents comme Atalante, à Québec, ou comme, parfois, Storm Alliance», fait valoir l’expert, souvent appelé à commenter l’actualité nationale et internationale.
M. Morin explique par ailleurs qu’un mouvement comme La Meute tend à détériorer le climat social et la notion du «vivre ensemble», en alimentant ou en créant des peurs irrationnelles. Il n’est par ailleurs nullement étonné de voir que l’organisation souhaite se structurer à Granby, cette dernière possédant «une stratégie d’implantation régionale assez claire».